Il y avait cette comptine française « J’aime regarder les femmes qui marchent sur la plage. » Je ne sais plus qui la chantonnait mais le leitmotiv « ce regard porté », ce «déshabillage » aigu du déhanchement féminin me plaisait. Ce regard, c’était « l’amour de loin » des poètes troubadours : une attention vacillante et fantasmée qui, en permanence, réinvente l’être aimé (le support, au demeurant, n’ayant que bien peu d’importance).
Je crois être souvent à l’identique : il n’est rien que j’aime mieux que de scruter en témoin discret, vigie silencieuse, le balancement des foules. Plus spécialement des hommes étrangers.
À Beyrouth, il suffit de se poser dans n’importe quel café ouvert sur la rue pour aussitôt ressentir l’irrésistible mise en scène, cette infinie et si plaisante Comedia dell’arte. Au Costa d’Hamra (côté Est) – pourtant sans autres atours - ou au Starbuck – lui-même d’une laideur standardisé - de la place Sassine (côté Ouest), la musicalité des hommes (et des femmes) chaloupant entre les tables, traversant les rues relève de cette même poésie urbaine.
Quand le glacis citadin s’éveille, quand les corps avancent, vacillent, on voit enfin Beyrouth.
Quelque chose de déchiré, d’abrupt en même temps que d’évanescent. Violence et légèreté, on l’a si souvent dit.
Je sais que l’imaginaire occidental, pour dresser Beyrouth, songe presque aussitôt à un agglomérat communautaire où les lignes de fractures sont comme des murs insoupçonnables en même temps qu’infranchissables.
Quid du Chrétien d’Achrafiyé ? Du Chiite de la banlieue Sud, du Suniite d’Hamra ou du Druze de la montagne ? Mais derrière ce modèle, dont on voudrait bien qu’il coïncide avec la réalité, une impossibilité à deviner.
Je me demande parfois si nous cessions de regarder, nous autres Occidentaux, ce qu’il arriverait justement de ce modèle tant sublimé, auquel, malgré l’hommage réitéré (voir le voyage éclair de Sarko 6 (cerveaux)), force est de reconnaître que l’on n’y comprend rien.
C’est comme si, ici, à l’image d’une théorie quantique, nous n’existions que par (et pour) le regard soudain posé sur nous.
Porté à l’existence, nous devenons Chrétiens, Sunnites, Druzes ou Chiites… Femmes ou hommes. C’est le regard de l’autre qui nous affirme. Autrement, nous nous désagrègerions en molécules élémentaires, nous nous évanouirions en poussière invisible. C’est l’autre : double & miroir ; l’autre : double & différent- ; l’autre : double & communautaire. Sans lui, nous ne sommes rien.
C’est, je crois, pour cela que certains de mes amis ont tant de mal à se mêler. Ils se méfient. Qu’un autre Libanais soit de la partie, et aussitôt, ils craignent de devoir enfiler leurs costumes communautaires. S'identifier. Tandis que, bien loin de là, baguenaudant dans les rues d'Hamra, l'effleurement des passants, nous ramène à la vie sans nous enfermer.
À regarder aux aguets, je vois naître ce jeu de désir souterrain. En permanence, ainsi s’exacerbe la présence de l’autre, lui donne sens et signification. Mais jamais ne vient la pénétrer. Au café d’Hamra, la femme s’ébroue, vivante soudain. Au café d’Hamra, l’homme s’effeuille, il grandit. Je le fais advenir. Celui-là ? Ma foi, il n’était rien avant que mes yeux n’en dessinent le contour. Et pour tout dire, parce que je les aime ainsi, n’arrondissent ses fesses d’un rebondi aérien, ne renforcent les muscles de ses jambes d’une lourdeur paysanne.
Du désir, les rues de Beyrouth ne gardent que l’essence : un affleurement sans but. Un affleurement, oui, juste cela.
Je crois être souvent à l’identique : il n’est rien que j’aime mieux que de scruter en témoin discret, vigie silencieuse, le balancement des foules. Plus spécialement des hommes étrangers.
À Beyrouth, il suffit de se poser dans n’importe quel café ouvert sur la rue pour aussitôt ressentir l’irrésistible mise en scène, cette infinie et si plaisante Comedia dell’arte. Au Costa d’Hamra (côté Est) – pourtant sans autres atours - ou au Starbuck – lui-même d’une laideur standardisé - de la place Sassine (côté Ouest), la musicalité des hommes (et des femmes) chaloupant entre les tables, traversant les rues relève de cette même poésie urbaine.
Quand le glacis citadin s’éveille, quand les corps avancent, vacillent, on voit enfin Beyrouth.
Quelque chose de déchiré, d’abrupt en même temps que d’évanescent. Violence et légèreté, on l’a si souvent dit.
Je sais que l’imaginaire occidental, pour dresser Beyrouth, songe presque aussitôt à un agglomérat communautaire où les lignes de fractures sont comme des murs insoupçonnables en même temps qu’infranchissables.
Quid du Chrétien d’Achrafiyé ? Du Chiite de la banlieue Sud, du Suniite d’Hamra ou du Druze de la montagne ? Mais derrière ce modèle, dont on voudrait bien qu’il coïncide avec la réalité, une impossibilité à deviner.
Je me demande parfois si nous cessions de regarder, nous autres Occidentaux, ce qu’il arriverait justement de ce modèle tant sublimé, auquel, malgré l’hommage réitéré (voir le voyage éclair de Sarko 6 (cerveaux)), force est de reconnaître que l’on n’y comprend rien.
C’est comme si, ici, à l’image d’une théorie quantique, nous n’existions que par (et pour) le regard soudain posé sur nous.
Porté à l’existence, nous devenons Chrétiens, Sunnites, Druzes ou Chiites… Femmes ou hommes. C’est le regard de l’autre qui nous affirme. Autrement, nous nous désagrègerions en molécules élémentaires, nous nous évanouirions en poussière invisible. C’est l’autre : double & miroir ; l’autre : double & différent- ; l’autre : double & communautaire. Sans lui, nous ne sommes rien.
C’est, je crois, pour cela que certains de mes amis ont tant de mal à se mêler. Ils se méfient. Qu’un autre Libanais soit de la partie, et aussitôt, ils craignent de devoir enfiler leurs costumes communautaires. S'identifier. Tandis que, bien loin de là, baguenaudant dans les rues d'Hamra, l'effleurement des passants, nous ramène à la vie sans nous enfermer.
À regarder aux aguets, je vois naître ce jeu de désir souterrain. En permanence, ainsi s’exacerbe la présence de l’autre, lui donne sens et signification. Mais jamais ne vient la pénétrer. Au café d’Hamra, la femme s’ébroue, vivante soudain. Au café d’Hamra, l’homme s’effeuille, il grandit. Je le fais advenir. Celui-là ? Ma foi, il n’était rien avant que mes yeux n’en dessinent le contour. Et pour tout dire, parce que je les aime ainsi, n’arrondissent ses fesses d’un rebondi aérien, ne renforcent les muscles de ses jambes d’une lourdeur paysanne.
Du désir, les rues de Beyrouth ne gardent que l’essence : un affleurement sans but. Un affleurement, oui, juste cela.
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