Il m’a dit : « Tu vas le regretter. Tu verras dans un an, tu vas vraiment le regretter. » Je ne suis pas sûre qu’il s’agisse d’une menace, plutôt d’un constat. Encore que, sa petite phrase, faisant suite à mon refus d’écarter les jambes, il faille sans doute y voir a minima la revanche de l’homme éconduit.
C’est vrai que, d’une certaine façon, je pourrais bien le regretter. N’a-t-il pas tout ce qu’une femme de mon âge (c’est-à-dire une femme dans l’urgente posture de « songer à refaire sa vie ») pourrait souhaiter ? Un grand et bel appartement à Beyrouth, une femme de ménage philippine très sympa, une maison de famille dans l’arrière-pays… L’homme, qui plus est, divorcé, beau gosse, de ce genre à barbe et grosse voix (la voix chez moi étant le véhicule de l’extrême séduction) dont on dit qu’ils ont du chien. Parfois, d’une intelligence vive même si celle-ci achoppe sur un désabusement, une sorte de repli intellectuel qui le fait s’enferrer dans l’ennui existentiel.
Il m’a aussi dit : « Tu es la femme la plus vieille avec qui j’ai jamais couché. » (En fait, nous avons couchaillé le temps d’un week-end) On aurait pu s’attendre à d’autres déclarations, nous deux nus, en train de tenter de voir si ces gesticulations d’unijambistes pouvaient prolonger notre amicale rencontre.
Ou bien à ce qu’entre en scène un tout jeune homme, encore mal dégrossi dont l’attrait pour les femmes mûres viendrait parfaire l’éducation sexuelle. Sauf que… Le quidam a la barbe blanche, le poil shivat (grisonnant), et le cheveu somme toute assez rare. En la matière, j’aurais pu tout aussi bien m’exclamer: « Mon dieu, comme c’est étrange un corps d’homme de plus de 50 ans. Je n’en avais jamais encore touché. »
L’interrogeant alors sans en avoir l’air, par petites touches doucettes, il me dit que : « oui, c’est un fait, les femmes vieillissent plus vite que les hommes. » J’essayais bien de le raisonner, lui rappelant que sans doute est-ce le regard de la société, le poids constant posé sur nos épaules gracieuses, qui nous fait « vieillir plus vite. » Mais non, pour lui, c’était bien au-delà de ces contingences sociales. La ride, comme quelque chose de génétique contre lequel il était inutile de lutter. « À 40 ans, la femme est foutue, physiquement disgraciée. C’est un fait. »
Farouk, un médecin palestinien de Naplouse, (Cisjordanie) 53 ans et pour lequel je m’apprête à me tasser pas moins de 4 barrages israéliens pour assister à son mariage m’assura que oui, en effet, dans la société palestinienne, une femme, qui à 35 ans serait encore célibataire est à peu près foutue. En général, ajouta-t-il, alors que lui-même convole en seconde noce, il est vrai, avec une vieillarde de 45 ans ne lui reste que quelque choix assez restreint : un divorcé avec enfants (c’est son cas), un vieillard à Viagra et prostate défectueuse voire, dans les milieux défavorisés, un polygame en chasse. Autre option, celle-là de pure renonciation : le sacerdoce d’une vie dédiée à ses parents, femme célibataire en charge du confort de sa parentèle au soir de leur vie finissante.
Cette idée de vieillerie me taraude depuis. Non content de jouer en écho à des problématiques souterraines intimes, (ce « qu’ai-je fait de ma vie ? » lancinant), la petite maxime de mon ami à barbe blanche de Père Noël restait coincée, bloquée à la surface consciente de mon esprit. Je me demandais si, pour reprendre le titre d’un roman fameux (mais sans grand intérêt) de Romain Gary : Au-delà de cette limite, mon ticket est-il encore valable ? Le crépuscule serait-il déjà advenu que je ne l’ai point remarqué ?
Profitant que mon passage épilation et tandis qu’allongée nue (encore), la jambe en l’air, sur le châlit de torture, pour mieux permettre à « mon » esthéticienne d’arracher les derniers poils , je discourais avec elle de la condition féminine.
Elle-même 26 ans, chrétienne, 500 livres libanaises par mois, mariée à un vieux (47 ans, ennuyant) avec un garçon de 3 ans.
- Ici, des 20 ans, c’est la course. Ta famille est là à te presser. Parce qu’à partir de 30 ans, cela devient border line. Pourquoi je me suis mariée avec lui ? Je ne l’ai jamais aimé. Il était vieux et peut-être qu’il comblait un vide affectif : mon père n’ayant jamais été très présent dans ma vie. Mais maintenant, mon dieu, que je m’ennuie avec cet homme-là. Toujours depuis son ordinateur. Quand il veut la bagatelle, il me tapote : trois petits coups comme cela (disant cela, elle me frappe l’épaule, le ventre et les fesses). Tu crois que cela te donne envie ? Toi au moins tu n’as pas besoin d’un mari, tu n’as pas à te préoccuper de ses crampes et de tout ce caza caza. Tu peux prendre un amant, même à 40 ans, et même si tu veux des enfants tu peux les faire hors mariage. Ta condition d’étrangère te protège du regard de la société.
Pour revenir à l’infini surprise de mon ami à barbe blanche, il avoua : « Le problème, c’est que je n’arrive pas à imaginer refaire ma vie avec une jeune fille de 20 ans. Baiser oui mais partager sa maison, hum ? » Même si, ajouta-il, on voyait dans le creux de mon cou de ces marques du temps, « de ces traits horizontaux qui barrent la peau » lesquels s’empressa-t-il d’ajouter : « se trouvait être presque exquis. » C’est là je crois, que ma neutralité d’observatrice bienveillante a commencé à se fissurer. Un sourire toujours, nous deux nus dans son lit immense, à vaguement regarder le corps de l’autre comme s’il s’agissait d’un pneu qu’il faudrait changer, je lui administrais un : « Mais tu n’aurais pas un problème à bander par hasard ? C’est mou. Ça reste mou», tout en jouant, avec sa queue comme d’une poupée désarticulée.
C’est vrai que, d’une certaine façon, je pourrais bien le regretter. N’a-t-il pas tout ce qu’une femme de mon âge (c’est-à-dire une femme dans l’urgente posture de « songer à refaire sa vie ») pourrait souhaiter ? Un grand et bel appartement à Beyrouth, une femme de ménage philippine très sympa, une maison de famille dans l’arrière-pays… L’homme, qui plus est, divorcé, beau gosse, de ce genre à barbe et grosse voix (la voix chez moi étant le véhicule de l’extrême séduction) dont on dit qu’ils ont du chien. Parfois, d’une intelligence vive même si celle-ci achoppe sur un désabusement, une sorte de repli intellectuel qui le fait s’enferrer dans l’ennui existentiel.
Il m’a aussi dit : « Tu es la femme la plus vieille avec qui j’ai jamais couché. » (En fait, nous avons couchaillé le temps d’un week-end) On aurait pu s’attendre à d’autres déclarations, nous deux nus, en train de tenter de voir si ces gesticulations d’unijambistes pouvaient prolonger notre amicale rencontre.
Ou bien à ce qu’entre en scène un tout jeune homme, encore mal dégrossi dont l’attrait pour les femmes mûres viendrait parfaire l’éducation sexuelle. Sauf que… Le quidam a la barbe blanche, le poil shivat (grisonnant), et le cheveu somme toute assez rare. En la matière, j’aurais pu tout aussi bien m’exclamer: « Mon dieu, comme c’est étrange un corps d’homme de plus de 50 ans. Je n’en avais jamais encore touché. »
L’interrogeant alors sans en avoir l’air, par petites touches doucettes, il me dit que : « oui, c’est un fait, les femmes vieillissent plus vite que les hommes. » J’essayais bien de le raisonner, lui rappelant que sans doute est-ce le regard de la société, le poids constant posé sur nos épaules gracieuses, qui nous fait « vieillir plus vite. » Mais non, pour lui, c’était bien au-delà de ces contingences sociales. La ride, comme quelque chose de génétique contre lequel il était inutile de lutter. « À 40 ans, la femme est foutue, physiquement disgraciée. C’est un fait. »
Farouk, un médecin palestinien de Naplouse, (Cisjordanie) 53 ans et pour lequel je m’apprête à me tasser pas moins de 4 barrages israéliens pour assister à son mariage m’assura que oui, en effet, dans la société palestinienne, une femme, qui à 35 ans serait encore célibataire est à peu près foutue. En général, ajouta-t-il, alors que lui-même convole en seconde noce, il est vrai, avec une vieillarde de 45 ans ne lui reste que quelque choix assez restreint : un divorcé avec enfants (c’est son cas), un vieillard à Viagra et prostate défectueuse voire, dans les milieux défavorisés, un polygame en chasse. Autre option, celle-là de pure renonciation : le sacerdoce d’une vie dédiée à ses parents, femme célibataire en charge du confort de sa parentèle au soir de leur vie finissante.
Cette idée de vieillerie me taraude depuis. Non content de jouer en écho à des problématiques souterraines intimes, (ce « qu’ai-je fait de ma vie ? » lancinant), la petite maxime de mon ami à barbe blanche de Père Noël restait coincée, bloquée à la surface consciente de mon esprit. Je me demandais si, pour reprendre le titre d’un roman fameux (mais sans grand intérêt) de Romain Gary : Au-delà de cette limite, mon ticket est-il encore valable ? Le crépuscule serait-il déjà advenu que je ne l’ai point remarqué ?
Profitant que mon passage épilation et tandis qu’allongée nue (encore), la jambe en l’air, sur le châlit de torture, pour mieux permettre à « mon » esthéticienne d’arracher les derniers poils , je discourais avec elle de la condition féminine.
Elle-même 26 ans, chrétienne, 500 livres libanaises par mois, mariée à un vieux (47 ans, ennuyant) avec un garçon de 3 ans.
- Ici, des 20 ans, c’est la course. Ta famille est là à te presser. Parce qu’à partir de 30 ans, cela devient border line. Pourquoi je me suis mariée avec lui ? Je ne l’ai jamais aimé. Il était vieux et peut-être qu’il comblait un vide affectif : mon père n’ayant jamais été très présent dans ma vie. Mais maintenant, mon dieu, que je m’ennuie avec cet homme-là. Toujours depuis son ordinateur. Quand il veut la bagatelle, il me tapote : trois petits coups comme cela (disant cela, elle me frappe l’épaule, le ventre et les fesses). Tu crois que cela te donne envie ? Toi au moins tu n’as pas besoin d’un mari, tu n’as pas à te préoccuper de ses crampes et de tout ce caza caza. Tu peux prendre un amant, même à 40 ans, et même si tu veux des enfants tu peux les faire hors mariage. Ta condition d’étrangère te protège du regard de la société.
Pour revenir à l’infini surprise de mon ami à barbe blanche, il avoua : « Le problème, c’est que je n’arrive pas à imaginer refaire ma vie avec une jeune fille de 20 ans. Baiser oui mais partager sa maison, hum ? » Même si, ajouta-il, on voyait dans le creux de mon cou de ces marques du temps, « de ces traits horizontaux qui barrent la peau » lesquels s’empressa-t-il d’ajouter : « se trouvait être presque exquis. » C’est là je crois, que ma neutralité d’observatrice bienveillante a commencé à se fissurer. Un sourire toujours, nous deux nus dans son lit immense, à vaguement regarder le corps de l’autre comme s’il s’agissait d’un pneu qu’il faudrait changer, je lui administrais un : « Mais tu n’aurais pas un problème à bander par hasard ? C’est mou. Ça reste mou», tout en jouant, avec sa queue comme d’une poupée désarticulée.
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