mardi 26 août 2008

des baisers pour Nasrallah

A Naplouse cependant, et tandis que la noce battait son plein (voir post précédent) j’avais le sentiment d’une tristesse diffuse.

Naplouse sécurisée – boire de l’alcool, même en dessous de la table, ce mariage lui-même étant inimaginable un an auparavant alors que les brigades Al-Aqsa (branche armée du Fatah) régnaient sur la ville.

Mais "Naplouse sécurisée", signifie aussi des arrestations de l’armée israélienne ou de la «sécurité préventive » palestinienne. Chaque semaine apporte son lot d'arrestations. De plus en plus, cette « sécurité préventive » qui se fait, ainsi qu’on le crache à demi-mot à Naplouse «l’auxiliaire des Israéliens ». Car, dans le combat pour le leadership politique qui oppose désormais Fatah et Hamas (le Hamas régnant en maître sur Gaza) le Fatah ne peut pas se permettre de perdre la Cisjordanie. L’Autorité palestinienne engagée depuis dans une vague d’arrestations délirante contre ces supposés barbus, une dérive autocratique qui plus est qui touche de plus en plus à toute forme d'opposition, démocratique, laïque ou religieuse.... politique…

Alors, oui, nombre de mes relations, proches ou moins proches, sont en prison désormais.

Je sais que vu de loin le Hamas est quasi al-qaïdien. A titre personnel, je supporte mal que l’intime religieux s’impose à une communauté. Très Frenchy sur ce terrain, je déteste qu’on impose un carcan, un ordre dont la rigidité, l’excès fanatique menace ma liberté, mon avenir. Mais je comprends aussi que face à l’occupation israélienne et son corollaire, la corruption de l’OLP (qui n’a toujours pas entamé le nettoyage interne qu’on se saurait pourtant que trop leur conseiller), beaucoup aient basculé dans cette seule opposition. La « troisième voie », tant espérée par certains, se faisant depuis longtemps attendre.

Certains de ces gens que je côtoyais au quotidien sont des militants du Hamas. Je pense à l’un d’entre eux, dit « modéré », avec qui je m’entendais particulièrement bien, et qui était ce qu’on nomme dans leur organigramme interne « un prince », soit un intellectuel, une figure politique. Lui en était venu à rejoindre le Hamas par opposition au Fatah croupissant, il y a une dizaine d’années. Lui ce sont les Israéliens qui l’ont ramassé (le gibier était suffisamment d'importance). D’une certaine façon, je suis rassurée. C’est plus sûr pour sa sécurité physique.

D’autres ne sont que de simples croyants comme Mohammed, 18 ans, détenu sans motif légal depuis un mois à la prison de Jnaid, « notre Guantanamo local », disent les Palestiniens, donnant ainsi la mesure de la réputation de ses geôles. Lui, ce sont les Palestiniens qui l'ont arrêté. Sa famille a pu le visiter une fois et ce qu’a sous-entendu leur fils de ces conditions de détention n’est guère reluisant: privation de sommeil, suspension par les mains ou les pieds des heures durant, passage à tabac. Cela s'appelle de la torture.

« Il était comme un zombie, portait un pyjama de laine aux longues manches alors qu’on crevait de chaud et refusait de porter les vêtements plus légers que nous lui avions apportés. Il avait peur. Il disait qu’il ne pouvait pas parler. Qu’ILS se vengeraient s’il parlait.»

Ok, me direz-vous, c’est vrai, même s’ils ne sont pas des militants actifs, ces gens-là dans ont voté Hamas lors de la dernière élection législative dernière. C’est vrai.

Un autre, homme d’une cinquantaine d’années, opposant à l’OLP mais sans cette fois aucune accointance avec le Hamas, (s’il faut une preuve, le fait qu’il ait des tendances à zigzaguer dans les brumes des paradis artificielles dès quatre heures de l’après-midi devrait sans doute suffire) m’avait décrit à l’identique son séjour à Jnaid : « Pas de sommeil. Ils m’ont supendu par les bras deux jours de suite. Passé à tabac, roué de coups. »

La répétition de la description – on me rapportera un troisième cas mais cette fois de manière indirecte – m’inquiète.

A Gaza, le Hamas est certes impliqué lui aussi dans des séries de tortures sur les détenus politiques (Fatah cette fois dans le cas du Hamas à Gaza)

Quand je suis partie de Naplouse, la femme de Fares que j’étais venue saluer, européenne et chrétienne, me dira, levant son verre de vin blanc : « Si tu vois Nasrallah, fais lui des bisous de notre part. C’est notre dernier espoir. Le dernier résistant. »

Des baisers pour Nasrallah... Comme si lui seul incarnait encore une Résistance et une forme d'honnêteté.
Dans ce conflit israélo-arabe/palestinien erreur sur erreur auront été commise. Récemment, depuis le refus d'accepter la victoire du Hamas aux législatives (dans ce cas fallait-il favoriser des élections?), le boycott international édicté ensuite, et désormais l'appui sans faille aux membres de l'Autorité Palestinienne.
Et cela tout en refusant de peser de tout notre poids sur les négociations entre Palestiniens et Israéliens, seules capable de mettre un frein à l'avenir suicidaire qui se dessine à l'ombre de Naplouse ou de Gaza.

Alors, nécessairement, je me demande est-ce à cela que, nous autres, occidentaux, dans notre infinie sagesse voulions aboutir ? Des baisers pour Nassralah ?


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