vendredi 16 mai 2008

Capote Hezbollah

Avez-vous la même sensation que moi ? Baiser sous capote, ce n’est pas vraiment baiser.

Les vieux ronchons pourraient bien voir dans mon assertion la réassurance de leur dégoût. Surtout pas de capotes! ça tue l’acte, la présence, la chair, le contact.

Moi, toutefois, le morceau de plastique à insérer SVP, ne m’a jamais posé problème. J’aime bien les capotes. Ça limite l’investissement affectif. Ça protège. Comme si ce n’était pas moi, là, nue sur le lit importé de Dubaï, la fenêtre de la chambre donnant sur l’ancien hôtel Intercontinental de Beyrouth, monument à la gloire de Beyrouth ravagée tant sa haute façade garde la mémoire, des tirs de la guerre civile.
Justifier
C’est juste à acheter que c’est galère. On n’en trouve pas dans les supermarchés. Faut aller à la pharmacie. Et dire en Arabe (parce que naturellement y’a pas de présentoir avec le produit accessible, les parfums, les tessitures - striées/lisses/à anneau resserreur - ou a minima les tailles) à un pharmacien : « Please, monkem, vous n’auriez pas une boîte de condoms ? », même si je peux du strict point de vue de la langue, ça pose quand même un putain de problème.

Quand je vivais en Palestine, cela faisait d’ailleurs partie des denrées que je rapportais de mes virées à Jérusalem avec l’alcool dans les Territoires pour la communauté. Ainsi que certains médicaments, la sultah trafiquant gentiment sur les importations, certains médocs notamment cardiovasculaires s’avéraient inefficaces – autant dire de contrefaçons chinoises- en Palestine.

Les pharmaciens palestiniens ayant en plus une fâcheuse tendance à vendre la capote en couinant des mandibules et, qui plus est, à l’unité.

Plus de trois d’un coup et t’étais repéré. Limite s’ils ne téléphonaient pas à l’iman du coin avant/après la la leçon de morale (puisque c’est bien connu l’homme ne baise pas hors mariage, et le mariage, c’est fait pour faire des moutards).

En plus, fallait prendre un taxi pour aller dans un quartier lointain, histoire que le pharmacien ne te repère pas. Que ta réputation soit protégée. La capote, à ton front ravaudé, comme la «honte sur toi. » L’horreur quoi.

Les kilos de condoms que j'ai fait passer en douce, je vous raconte pas.

Certes, on n’en est pas à ce stade au Liban. N’empêche qu’il me reste une seule capote et que je ne sais pas comment je vais faire pour en racheter. Ma culture palestinienne qui me joue un tour.

J’ai d’ailleurs eu un coup de paranoïa intense quand je me suis repliée sur Achrafiyé lors des combats de la semaine passée. J’ai pensé soudain, alors que je me croyais sauvée, à ma boîte de condoms (israélienne) en évidence dans l’armoire entre les chaussettes et les soutifs. "Oh merde" ai-je pensé "s’ils pénètrent dans les maisons, je suis foutue. L’emballage en Hébreu ravissant, ça va vraiment pas le faire. "

Depuis, j’ai jeté la boîte.

Comprenez bien, et bien que je minaude grave sur ce blog, parfois quand même l’envie d’ouvrir les jambes ça vient :

Mais le gonze en face de vous… Ben, c’est mitigé. Genre vous l’aimez bien, respectez son intelligence, adorez sa grandeur d’âme itou itou. Il est plutôt bien foutu. Élégant, grand, bien balancé même si on sent l’affaissement des chairs à de petits riens. La largeur des chemises qui dissimule par exemple. Mais à son avantage, je dois dire, que c’est un sunnite. Donc, ai-je songé, au moins, n’allais-je pas avoir un choc d’esthétique religieuse. Le prépuce coupé (j’ai un mal fou avec les chrétiens de ce point de vue) et même peut-être la zone pileuse soignée.

Mais y’avait pas d’élan, pas de flux d’hormones tendues qui fait bip bip quand il s’approche.

Dans ces cas-là, la capote c’est pratique. Ça permet de tester sans en avoir l’air. Et au petit matin, de se dire, "c’est pas moi qui l’ai fait." Je n’étais pas là.

Ce qui m’a amusée, c’est l’empressement du sieur à tout organiser dans la chambre. Trois fois qu’il y est retourné, en catimini. Placer la capote sous l’oreiller accessible. La boîte de kleenex pas trop loin pour un usage détergent post-combat. La bouteille d’eau à portée de la main.

La chose en elle-même a été pliée en trois coups de cuillères à pot. Cinq minutes et zou on empoche le gros lot.

J’ai adoré qu’il me dise, essoufflé (il fume trop): « on est venus ensemble, chéri » Moi ayant émis un gémissement, un "hiiiii" pathétique parce qu’il appuyait trop sur ma hanche. Et qu’au moment où je partais (pour dormir chez moi. Y’a pas de préservatif à taille humaine qui protège du contact), il me dise : « merci. » Comme s’il savait que je m’étais aussi donnée par amitié. Juste parce que nous avions besoin, l’un et l’autre, en ce soir de victoire politique Hezbollah sur le pays – et tandis que le spectre de la guerre civile s’éloignait enfin - d’une ondulation animale.

mercredi 14 mai 2008

Du cèdre ou de la fleur de chou ?


Quand ça a commencé à bombarder, je venais à peine de rentrer chez moi. « Ils » (l'opposition, donc Hezb en première ligne) canardaient Future, la télévision de Rafic Hariri tout à côté. Pas loin de 30 millions de dollars qui sont (presque) partis en fumée. Mais ça, je crois qu’ils s’en foutaient.

Après deux ou trois "boum-boums" bien tassés avec la spirale/chuintement de vent préalable des roquettes, chacun savait que ce n’est pas pour rire et que la nuit allait être longue.

En fait, elle ne l'a pas été trop, la nuit, toute proportion gardée. La prise de contrôle de Beyrouth ouest pliée en deux-trois heures. Le reste de la nuit de simples accrochages ou des cons pissant dans les coins pour marquer leurs territoires, à coup de "tchakaboumboums" surpuissants.

Réflexes, on jette des draps par terre, si jamais les vitres venaient à exploser sous les impacts. On éloigne les meubles des fenêtres. On prend son matelas, celui de ses enfants, et on l’installe dans la seule pièce sans fenêtre.

En général, le couloir ou la salle de bain. On vérifie aussi les bougies. L’électricité est vite coupée et l’eau vient aussi à manquer. Mais tant que c’est possible, on laisse la télévision tournée en 24/24 pour suivre depuis les hauteurs, les journalistes casqués, gilets pare-balles d’Al Jazeera ou de LBC, qui nous raconte l’événement qu’on est en train de vivre.

C’est normal comme réflexe. Rester ensemble, nidifier dans les replis "sécurisés" de sa maison.
Se voir à la télévision aussi, ça distancie. Une distanciation, oui, bienheureuse qui vous permet de tenir alors que vos vitres tremblent. Ça donne un sens, une ligne surtout, un début et une fin à l’enfer.

Mais moi, je n’ai pas la télévision. J’écoutais les "boums-boums" se succédant drus, sachant, au moins, que cela indiquait une bataille rangée pour un bâtiment. La TV de Hariri comme objectif probable.

Quand je m’étais installée dans Zarif, je m’étais dit « Oh merde, elle est quand même très près… » Mes amis Palestiniens me disant : « Trouve-toi un quartier homogène et vit dans son cœur. » Quand ils disaient "homogène", pour eux, ça signifie "sunnites".

Non pas que mes copains palestoches détestent les chiites, au contraire. Ils ont tendance à vénérer Sayyed Nassrallah (« en termes de résistance aux Etats-Unis, et à Israël, y’a pas mieux. Mais on ne veut pas de son agenda social. ») Juste, quand même, que des dingues à turban qui vénèrent le sultan Omar plus que Mohammed, ça les laisse perplexes.

Naturlich, je m’étais choisi un coin dans un quartier mixte, en bordure. Mon côté français, sans doute. Comme dit Farouk : « Faut toujours que tu ailles fourrer ton nez, là où il ne faut pas. »

Alors, ensuite, faut pas s’étonner, les "boum-tchouffes" en cascade.

Puis vers 9 Heures, l’appel à la mosquée glougloutant au milieu des rafales. Les tirs de roquettes s’espaçant, s’éloignant vers Hamra tandis que progressivement le tchacotchac des tirs (en l’air) les remplaçait.


En cas de guerre, quand coincé dans son appart, il faut se trouver une occupation. Quelque chose qui vous occupe les mains, le corps. Ou plutôt quelque chose qui vous relie à l’intensité de votre vie. C’est pour cela qu’on sort, qu’on hurle, qu’on danse sous les bombes. C’est aussi pour cela qu’en cas d’invasion, l’une des règles inconscientes, c’est de se regrouper. Un réflexe, un autre, qui vous prouve tout autant qu’il accomplit le sens de votre vie dans une communauté (celle des êtres vivants).

C’est aussi pour cela qu’à chaque fois qu’une bombe éclate, un missile dans l’air et sa traînée verte dans la nuit, tout ça, moi, ça me fait monter ma libido en vrille.

A. dit que la guerre transforme. Elle en change le tracé de la vie, pour le meilleur et pour le pire. Qui serait-il s’il n’avait passé 10 ans à combattre dans les rangs du PC libanais pendant la guerre civile ? « J’aime la vie avec une foi absolue ; en même temps, l’amertume me prend souvent. La mort désacralisée…» Il dit aussi : « Je déteste la violence. Je déteste les armes. Chaque fois, je me dis : "un coup de feu et je fous le camp." Je suis sincère. Mais, dès le premier coup de feu, je deviens un autre homme. Le danger, la mort m’attire. »

Alors, lui se promenait dans les rues de Beyrouth, trouant les rangs des miliciens de son pas chaloupé.

Une épilation intégrale.

Je voyais que ça, dans son automatisme réitéré qui me permettent de faire abstraction. Alors tandis que la mitraille voltigeait, les « ssscheeu- boum » des mini roquettes (celles incorporées aux fusils) en son régulier venant percuter les murs, je m’arrachais les poils un par un à la pince à épiler. Plus de sucar ("cire") et, de toutes les façons, pas d’accès à la cuisine pour m’en faire. La cuisine, donnant sur Future, trop exposée aux tirs.

César m’appelait aussi. Inquiet de ma position alors que les dingues envahissaient les rues. «Toujours en vie, toujours excitée ? » demandait-il vers 1 H du mat tandis que l’orage éclatait dans la nuit, lavant la ville de ses spasmes. « Oui, habib elbi, toujours. », lui répondais-je, sur mon matelas, dans le couloir. Lui m’invitant à venir mes décontracter les neurones/le corps dans son pieu si jamais je n’en pouvais plus des guerriers chiites.

« Allez, viens à Achrafiyé. On fêtera la victoire du Hezbollah. » Mais j’avais moyen envie de fêter une victoire qui me flanquait le cul dans la baignoire.

Au matin, j’ai bien essayé de sortir, mais les michetons dans les rues, m’ont dit « Niet » (les combattants de ma rue, appartiennent au parti communiste, allié du Hezbollah) et croyez le, eux aussi, inquiets pour ma survie.

À la fin pourtant, j’ai quand même réussi à négocier mon départ (ainsi qu’un café) avec des gars d’Amal. Sans café, ma survie impossible. C’est ma ligne rouge perso, le café.

- Sois chouette, tu travailles, non ? Moi aussi.
- Mais c’est dangereux, tu ne peux pas traverser.
- Et si je passe par l’arrière [chiite]? Et je repique sur Sanayeh [indéterminé] de biais pour rejoindre la rue Spir [sunnite] - mais en l’évitant - pour rejoindre Kantari (armée libanaise). Qu’est-ce t’en penses ?

Dubitatif, il a réfléchi 5 minutes:
- Oui, c’est possible. Ahmed accompagne la Française jusqu’à Sanayeh. Après à tes risques et périls.

Un ami de D. me prêtait son studio à Achrafiyé tandis que lui, druze et homo (mais c’est surtout le côté druze qui compte ici) remontait, autre réflexe grégaire, dans la montagne pour rester/aider auprès des siens. Comme c'était un coin, Aley, où ça tapait sec entre Druze de Jumblatt et Hezbolliens, j'étais pas loin de penser aussi, qu'il remontait pour se battre.

La montagne druze où justement, le Hezbollah enverrait ses hommes, avec certes en premières lignes quelques autres druzes–alliés (vous suivez ? des Druzes donc aussi, mais d’un mouvement de l’opposition). Histoire que ça ressemble pas complètement à un conflit ethnique.
Le Hezbollah envahissant la montagne parce que trois de ses combattants avaient été découpés à la machette dans un préalable exquis.

Arrivé à Achrafiyé, de me savoir sortie des griffes du Hezbollah, ça a complètement calmé César. Il m’a bien câliné d’un « Ah te voilà ! », façon Marcel Pagnol et le retour de la Pomponette. Mais de lit nenni. Et j’ai dû attendre 4 jours pour qu’il me rappelle, cinglant de sa voix traînante sublime, mes atermoiements d’un : « Nanooooooouuuuu, mais pourquoi tu m’appelles pas ? »

Alors je suis rentrée dépitée dans mon quartier. Les commerçants ont rouverts, Amal et le PC libanais (ainsi que la garde d’un leader non identifié surl'axe de sanayeh) planquent leurs armes, justes des pistolets aux hanches et des talkies-walkies en bandoulières. On se dit : « bonjour Kifek/kifak », le plus naturellement du monde. Et on attend. Quoi ? La reprise des combats, le retour au statu quo ou la démission du gouvernement. Rien d’autres. Rien de moins.


jeudi 8 mai 2008

d'une tendance consumériste

Depuis une semaine, je ne sors plus.

Vous allez me dire, Meskinah, (« la pauvre »), coincée qu’elle est dans un pays à « l’instabilité chronique », entre les désirs contradictoires des grands (Américains et Arabie Saoudite VS l’axe irano-syrien satanique) de ce monde et de leur pétrole.

Même peut-être avez-vous suivi un rien les infos.

Vous savez alors notre récente explosion de liesse : une grève générale, pour faire pression sur le gouvernement afin de l’obliger à augmenter le salaire minimum.Une manifestation "sociale" qui se transforme en grande Rev-party politique du Hezbollah et de son petit frère en déliquescence, le mouvement Amal, avec quelques très beaux exta-Katiousha en prime.

Beyrouth, ville fermée, ville assiégée, l’armée et les Forces de Sécurité Intérieures (FSI) patrouillant en grande tenue tandis que la « route de l’aéroport », l'aéroport lui-même, se trouvent bloqués par le Hezbollah en échange d'une négociation avec le gouvernement dont les tenants et aboutissants ne sont pas encore très clairs.

Quoi veut-il, le Hebz? Qu'on lui foute la paix sur son réseau de communication ? Qu'on file enfin un salaire minimun décent aux travailleurs libanais ? Ou plus large, l'accord pour l'élection présidentielle toujours en stand by?

Bareffsh ("j'en sais rien") Mais il a encore une nouvelle carte en main. Et celle-ci, il ne la doit qu'à l'incurie diplomatique des autres (avec en égérie combattante, Walid Jumblatt, Roi des gaffes et des coups tordus, ou post La logique des choses).

Moi, si j'étais lui, et parce que sa démonstration de force a suffisamment été éloquente (si vous n'aviez pas pigé, là c'est fait : "Ce que Hezb veut, Hezb obtient" ou quand "le Heb débarque, les autres se carapatent") je me retirerais de l'aéroport.
Le fait du prince, le geste de grâce sublime qui, encore une fois, sauverait le Liban de ses pires penchants fratricides. Mais je le crains... Son discours d'aujourd'hui en forme de déclaration de guerre à qui "voudrait l'attaquer"...

Mais non, mon coup de blues n'a rien à voir avec la barbe de Nass'.

je ne sors plus.
A part avec des femmes, si possible sunnites parce que recommandées par mes amis palestiniens, je ne sors plus.
Lesquelles, bien sûr, de femmes me disent : « Tu connais le clan XXX ? C’est nous. 10 000 hommes au minimum. Non ? Bien maintenant, tu as aussi un réseau ici (« wasta »), au Liban »

Ya Allah. 10 000 hommes en réseau ? Je vais mourir.

Car si je refuse de sortir, ayant fait silence aux (quelques) propositions, c’est qu’elles émanaient toutes de Libanais plus ou moins célibataires, en béatitude de chair et canonisation en cours de leurs précieux attributs.

Serais-je en train alors de me draper dans ma fierté ? Un genre de : « Moi, on ne me drague pas!», intense tout autant que ridicule ? Mais ce n’est pas cela qui me pousse à nidifier dans mon appartement vide.

C’est bien plus la sensation d’une sauvagerie intense, et pour tout dire, brutal des hommes, des femmes et des relations entre hommes et femmes ici.

Comme dit Julie, une consoeur :

- Ici, par moment, t’as l’impression de vivre dans les années 80.

J’ajouterai même si, elle comme moi, n’avons pas connu cette époque, mais pour des raisons différentes (elle bébé ; moi concubinante)

- L’impression, oui, d’être dans un roman de Houellbecq. "Les particules élémentaires", totale explosion.

Voilà, il suffit, à Beyrouth, dans le centre ville (même bouclé), d’un seul regard d’homme, presque insignifiant, presque léger, comme passant, effleurant la courbe de vos hanches, pour qu’aussitôt vous vous sentiez un morceau de viande, crocheté aux désirs du boucher.

Je veux dire, et bien que, je l’admette, j’ai quelque problème avec le regard des hommes, que la seule hypothèse qui se profile, avant, pendant, après la rencontre – le regard- est celle du désir à l’état brut. De l’envie, de l’appétit sexuel.

Et encore. Parfois, n’ai-je la sensation que d’un automatisme de consommation.

Pas de désir en fait. Juste une habitude consumériste. Un genre d'addiction sans motif, sans explication.

Et bien que les Libanais ne pratique pas cette coutume égyptienne, à chaque coin de rue, j’ai l’impression d’entendre « le chteu…chteu » égyptien, siffloté entre les dents, censé signifier l’intérêt ou, à tout le moins, le cul/le con, les deux (Inch Allah bass ektir Haram) sur jambes se baladant.

Ayant vécu dans d’autres sociétés du Moyen-Orient, ayant même survécu en France, cette sensation de dégoût qui me prend quand je sens cette « insistance » se scotcher à ma croupe, est somme toute, je l’avoue, nouvelle pour moi. Du moins pas, at least, dans ces proportions-là. Non, quelque chose d’autre, de plus lourds en même temps que plus frontal, qui me pousse de nouveau à m’interroger.

Certes, un certain nombre de Libanaises considèrent le modèle de la chanteuse Haïfa (au demeurant de beauté sublime à mon sens, mais seulement sur scène. Le « boussel wawa » de son clip légendaire, ou «j’embrasse tes bobos », dont je ne saurais trop vous recommander le visionnage) comme un possible réveil matinal.

Et face à l’armoire de leur chambre, ces jeune-femmes s’interrogeant innocemment : « Tiens, comment vais-je m’habiller ce matin pour aller boire un ness’ avec les copines ?» considèrent que des talons de 12 cm scintillant au soleil, la jupe ras la moule, et la chemise échancrée sur une poitrine retravaillée aux ciseaux fait partie de la nana attitude.

Moi-même,ô honte, alors que les heurts se faisaient pressants dans le quartier de la Corniche, entre les gugusses d’Amal et les autres du courant Hariri, moi-même en plein shopping, cédant à une paire de sabot à talons vertigos sur lesquels désormais je promène ma croupe altière.

Mais d’où tout cela vient, justement ? Cette façon de se cambrer aux désirs des hommes ?

D’où ça vient, que même moi avec ma ridicule poitrine 75 A, j’en vienne à me retrouver avec des marlous accrochés aux tétons ? Hein, vous pouvez me dire ?

J’ai cru à une sorte d’universalité d’un renouveau patriarcal (post 1 ou « Anastasia mondialisé»). Enfin, quand je dis renouveau… Bien trop intello, soeurette, l’explication, bien trop. Encore une fois, César m’a remise en ligne :

- Tu sais ici, y’a beaucoup de filles…

Il a raison, l’enfoiré.

Voilà, y’a pénurie. Tout simplement, sur le marché.

Une conséquence de la guerre civile : le départ des Libanais, partis chercher, une survie ailleurs. Dans un pays moins fou, ou peut-être, juste aussi plus réactif en matière de marché de l’emploi.

Les femmes, elles, restant (plus) au pays. Les voilà avec un panel moindre. Du coup, à se déhancher la croupe voire quand le taux d’emploi (mariage) s’effondre, à se positionner en levrette, pour tenter le jeu de l’attirance.

L’homme déjà passablement guerrier (ces dures années de luttes pendant la guerre civile), désormais en plus SOLLICITES intense pour fonder une famille ? Ya Bayé…

Lui-même, l’Homme Libanais, n’ayant nul désir, pour une majorité d’entre eux, de se laisser happer par les emmerdes, laissera tomber toute prétendante sérieuse/romantique pour se contenter a minima de sexe, de ce point vue, plus soft, plus doux ?

Un coup de pénurie, voilà tout simplement, qui nous pousse, nous, femmes, à nous découvrir les épaules, les seins, le cul…

Et moi à m’enfermer, incapable, que je suis à survivre au regard des hommes libanais.

la logique des choses

Aujourd’hui (enfin, plus tout-à-fait, j’ai tardé à blogger, mea culpa) c’est Yom hatzamaout chez les juifs, le temps d’une pensée pour les âmes perdues de la Shoah.

Je suis sans doute la seule dans tout le Liban à le savoir. A part peut-être, la direction du Hezbollah qui, j’imagine, en ces temps de tensions sub-régionales/intra-libanaises, se tient au courant des mœurs de l’ennemi. Et puis, entre grands croyants, on est toujours respectueux des commémorations des autres.

J’ai allumé une bougie dans mon appartement vide.

Quand je suis en Palestine. En général, y’a toujours un moment, où mes copains palestiniens me disent : « Le marsoume (mot Hébreu, passé en Palestinien pour désigner, l’Hajez arabe, soit le « check-point»qu’en bonne Française de Tunisie, je traduirais d’un très circonspect « barrage militaire israélien»), le marsoume donc est bloqué, fermé. On ne peut pas sortir. Quelle bande de connards. Y’a aucune raison : pas d’attentats, rien qui justifie, ces enculés. Ils veulent juste nous faire souffrir. » (« enculés planétaires », en Arabe, ça se dit « (ya) maniaks », le « ya » pour accentuer, mais l’insulte est vite aussi passée en Hébreu, comme beaucoup des insultes en Hébreu. )

Mes potes à qui je réponds, après un instant d’intenses hésitations tout de même, pas tout le calendrier religieux intergalactique dans la tronche : « C’est pas Pessah, Rosh Haschanah, Yom Kippour, Pourim, Soukotte… cette semaine, au fait ?» (Vous pouvez choisir, y’en a une toutes les semaines) Et, souvent ça coïncide, les Israéliens fermant les « Territoires », sans prévenir. Comme si, de l’occupation, on devait aussi apprendre les fêtes religieuses juives.

Ou alors quand je me promène dans les colonies, les colons juifs (pq'il y a aussi des colons arabes maintenant, crise sociale oblige) qui me disent « Les Arabes (ils ne disent jamais Palestiniens), c’est des fous, Tenez, hier, ils ont tiré en dansant sur les toits alors que nous fêtions les morts de l’attentat X. Quel être humain pourrait faire ça ? » Et à qui, toujours d’une infinie patience, bien qu’avec les colons, je la perde très vite ma patience, ainsi que, mais chut, ma déontologie de journaliste: « Oui, mais hier ; c’était le résultat du Bac. Donc si les Palestiniens tirent, c’est pour fêter la réussite de leurs enfants. Pas spécialement (et bien que, pendant la première guerre d’Irak, ce fut le cas) pour danser sur les Katioushas vous tombant sur la gueule. »

Voilà c’est la logique des choses…

Voyez, par exemple : je lis au petit matin que le représentant de l’Internationale socialiste auprès de Parti socialiste Français de surcroît, irano-quelque chose, s’est fait kidnapper cinq heures durant par des Hezbollah sur-armés alors qu’il prenait en photo une mosquée sur la route de l’aéroport en compagnie d’un ami.

Lors de la conférence de presse, l’individu fortement choqué, assurent les médias, se tient en compagnie du leader druze Walid Jumblatt (membres de la tendance au pouvoir du 14 mars) qui est parvenu à faciliter sa libération.

Voilà pour les faits

Mais si j’y applique ma parano levantine. Cela donne plutôt :

Un représentant de l’Internationale Socialiste… hum, il fut un temps, pas si lointain, où cela signifiait en mode tatouage indélébile : attention, petit espion assermenté.
Irano-quelque chose de surcroît ? Là, ça pue carrément, le marlou effiminé
En compagnie d’un ami (homo?) shootant des mosquées sans aucun intérêt esthétique (phantasme ?) sur la très laide route de l’aéroport (fief du Hezbollah) ?…. Hum...

Moi, tout de suite, j’imagine les deux z’espions-amoureux en décapotable Mercedes/BMW, couplet Carrera, à sillonner à toute bringue l’autoroute de l’aéroport, les lunettes de soleil sur le nez. Puis voyant une mosquée, même pas belle, alors que, quand même voyage professionnel super important, le barbouze se dit "Quelle est mignonne, cette mosquée, avec son minaret tout pointu." Puis s’adressant à son chéri (habibi) local : « Tu me prendrais pas devant ? Cela ne serait-il pas divin ? »

Crédible, non ?

Y’a aussi le problème Walid Jumblatt sur la photo de classe de remise des trophées. Que vient foutre notre Druze dans ce pataquès? Certes, l’homme et son clan maintiennent de très bonnes relations avec les Français. Surtout, il faut bien l’avouer, dès qu’il s’agit d’un coup tordu (dans le genre, sa récente dénonciation d'un réseau clandestin téléphonique, tenu par le Hezbollah, en est aussi un train beau coup tordu. Juste qu'il a pas mesurer l'impact: Jumblatt en train de faire basculer les quartiers de beyrouth, le Liban tout entier, en une guerre de tranchées). Alors le druze en sauveur ? Ou le druze en kidnappeur ?


Ça me rappelle d’ailleurs que mes dernières emmerdes sur les barrages israéliens c’est à un soldat druze que je les dois. Quand je vous dis qu'avec les druzes faut avoir une logique paranoïaque.


Alors, à défaut de n'y rien comprendre, j’écoute Dalida, (mal) chanter en Egyptien, au casque, depuis que des tirs de Kala ont raisonné, il y a une heure dans les alentours de mon quartier. Des tirs en l’air, rassurez-vous, sans doute lancés au ciel pour fêter quelque chose. Cela a fait « boum-touffe. »

C’est à cela qu’on reconnaît que c’est une Kala et que c’est en l’air (même si cela tue tout autant que les tirs horizontaux voire sans doute plus, les balles redescendant quand même sur terre, même quand pourtant on les destine à ce "maniak" de Dieu divin).

Quand j’écris « boum-touffe », c’est qu’il y a comme une petite détonation sourde derrière le tir, même en rafale. Un son léger, un écho, qui permet de se dire que, d’une part, il s’agit d’une Kala (le modèle, là, je sèche) et d’autre part que ce n’est rien. Juste une démonstration de muscles.

« Ces crétins (mais lesquels ?, je ne connais pas assez le Liban pour les reconnaître aux tirs mais je suppose que c’est un coup des « Iraniens », les Hariri devraient, eux, être équipés en M16 américains, dans la "logique des choses"…) fêtent sûrement quelque chose. »


Maîtrisant plus ou moins les fêtes religieuses, faudrait-il que je m’investisse dans les fêtes guerrières ou laïques. On est certes à la veille du 1er mai, mais en quoi la fête du travail doit-elle justifier des tirs ? J’ai beau avoir le siège des Communistes libanais en bas de mon immeuble, je les vois mal mes ahuris commémorer via un si joyeux artifice.

Aurais-je sinon louper quelque autre fête religieuse ? La commémoration d’un Shahid quelconque ? Mais non la fête des Shahids de la presse, c’est pour mardi. Et des journalistes, surtout morts, normalement, ça tire pas.

Une pensée pour Sami Kassir d’En-Nahar, dont j’aimais la pensée.