jeudi 8 mai 2008

d'une tendance consumériste

Depuis une semaine, je ne sors plus.

Vous allez me dire, Meskinah, (« la pauvre »), coincée qu’elle est dans un pays à « l’instabilité chronique », entre les désirs contradictoires des grands (Américains et Arabie Saoudite VS l’axe irano-syrien satanique) de ce monde et de leur pétrole.

Même peut-être avez-vous suivi un rien les infos.

Vous savez alors notre récente explosion de liesse : une grève générale, pour faire pression sur le gouvernement afin de l’obliger à augmenter le salaire minimum.Une manifestation "sociale" qui se transforme en grande Rev-party politique du Hezbollah et de son petit frère en déliquescence, le mouvement Amal, avec quelques très beaux exta-Katiousha en prime.

Beyrouth, ville fermée, ville assiégée, l’armée et les Forces de Sécurité Intérieures (FSI) patrouillant en grande tenue tandis que la « route de l’aéroport », l'aéroport lui-même, se trouvent bloqués par le Hezbollah en échange d'une négociation avec le gouvernement dont les tenants et aboutissants ne sont pas encore très clairs.

Quoi veut-il, le Hebz? Qu'on lui foute la paix sur son réseau de communication ? Qu'on file enfin un salaire minimun décent aux travailleurs libanais ? Ou plus large, l'accord pour l'élection présidentielle toujours en stand by?

Bareffsh ("j'en sais rien") Mais il a encore une nouvelle carte en main. Et celle-ci, il ne la doit qu'à l'incurie diplomatique des autres (avec en égérie combattante, Walid Jumblatt, Roi des gaffes et des coups tordus, ou post La logique des choses).

Moi, si j'étais lui, et parce que sa démonstration de force a suffisamment été éloquente (si vous n'aviez pas pigé, là c'est fait : "Ce que Hezb veut, Hezb obtient" ou quand "le Heb débarque, les autres se carapatent") je me retirerais de l'aéroport.
Le fait du prince, le geste de grâce sublime qui, encore une fois, sauverait le Liban de ses pires penchants fratricides. Mais je le crains... Son discours d'aujourd'hui en forme de déclaration de guerre à qui "voudrait l'attaquer"...

Mais non, mon coup de blues n'a rien à voir avec la barbe de Nass'.

je ne sors plus.
A part avec des femmes, si possible sunnites parce que recommandées par mes amis palestiniens, je ne sors plus.
Lesquelles, bien sûr, de femmes me disent : « Tu connais le clan XXX ? C’est nous. 10 000 hommes au minimum. Non ? Bien maintenant, tu as aussi un réseau ici (« wasta »), au Liban »

Ya Allah. 10 000 hommes en réseau ? Je vais mourir.

Car si je refuse de sortir, ayant fait silence aux (quelques) propositions, c’est qu’elles émanaient toutes de Libanais plus ou moins célibataires, en béatitude de chair et canonisation en cours de leurs précieux attributs.

Serais-je en train alors de me draper dans ma fierté ? Un genre de : « Moi, on ne me drague pas!», intense tout autant que ridicule ? Mais ce n’est pas cela qui me pousse à nidifier dans mon appartement vide.

C’est bien plus la sensation d’une sauvagerie intense, et pour tout dire, brutal des hommes, des femmes et des relations entre hommes et femmes ici.

Comme dit Julie, une consoeur :

- Ici, par moment, t’as l’impression de vivre dans les années 80.

J’ajouterai même si, elle comme moi, n’avons pas connu cette époque, mais pour des raisons différentes (elle bébé ; moi concubinante)

- L’impression, oui, d’être dans un roman de Houellbecq. "Les particules élémentaires", totale explosion.

Voilà, il suffit, à Beyrouth, dans le centre ville (même bouclé), d’un seul regard d’homme, presque insignifiant, presque léger, comme passant, effleurant la courbe de vos hanches, pour qu’aussitôt vous vous sentiez un morceau de viande, crocheté aux désirs du boucher.

Je veux dire, et bien que, je l’admette, j’ai quelque problème avec le regard des hommes, que la seule hypothèse qui se profile, avant, pendant, après la rencontre – le regard- est celle du désir à l’état brut. De l’envie, de l’appétit sexuel.

Et encore. Parfois, n’ai-je la sensation que d’un automatisme de consommation.

Pas de désir en fait. Juste une habitude consumériste. Un genre d'addiction sans motif, sans explication.

Et bien que les Libanais ne pratique pas cette coutume égyptienne, à chaque coin de rue, j’ai l’impression d’entendre « le chteu…chteu » égyptien, siffloté entre les dents, censé signifier l’intérêt ou, à tout le moins, le cul/le con, les deux (Inch Allah bass ektir Haram) sur jambes se baladant.

Ayant vécu dans d’autres sociétés du Moyen-Orient, ayant même survécu en France, cette sensation de dégoût qui me prend quand je sens cette « insistance » se scotcher à ma croupe, est somme toute, je l’avoue, nouvelle pour moi. Du moins pas, at least, dans ces proportions-là. Non, quelque chose d’autre, de plus lourds en même temps que plus frontal, qui me pousse de nouveau à m’interroger.

Certes, un certain nombre de Libanaises considèrent le modèle de la chanteuse Haïfa (au demeurant de beauté sublime à mon sens, mais seulement sur scène. Le « boussel wawa » de son clip légendaire, ou «j’embrasse tes bobos », dont je ne saurais trop vous recommander le visionnage) comme un possible réveil matinal.

Et face à l’armoire de leur chambre, ces jeune-femmes s’interrogeant innocemment : « Tiens, comment vais-je m’habiller ce matin pour aller boire un ness’ avec les copines ?» considèrent que des talons de 12 cm scintillant au soleil, la jupe ras la moule, et la chemise échancrée sur une poitrine retravaillée aux ciseaux fait partie de la nana attitude.

Moi-même,ô honte, alors que les heurts se faisaient pressants dans le quartier de la Corniche, entre les gugusses d’Amal et les autres du courant Hariri, moi-même en plein shopping, cédant à une paire de sabot à talons vertigos sur lesquels désormais je promène ma croupe altière.

Mais d’où tout cela vient, justement ? Cette façon de se cambrer aux désirs des hommes ?

D’où ça vient, que même moi avec ma ridicule poitrine 75 A, j’en vienne à me retrouver avec des marlous accrochés aux tétons ? Hein, vous pouvez me dire ?

J’ai cru à une sorte d’universalité d’un renouveau patriarcal (post 1 ou « Anastasia mondialisé»). Enfin, quand je dis renouveau… Bien trop intello, soeurette, l’explication, bien trop. Encore une fois, César m’a remise en ligne :

- Tu sais ici, y’a beaucoup de filles…

Il a raison, l’enfoiré.

Voilà, y’a pénurie. Tout simplement, sur le marché.

Une conséquence de la guerre civile : le départ des Libanais, partis chercher, une survie ailleurs. Dans un pays moins fou, ou peut-être, juste aussi plus réactif en matière de marché de l’emploi.

Les femmes, elles, restant (plus) au pays. Les voilà avec un panel moindre. Du coup, à se déhancher la croupe voire quand le taux d’emploi (mariage) s’effondre, à se positionner en levrette, pour tenter le jeu de l’attirance.

L’homme déjà passablement guerrier (ces dures années de luttes pendant la guerre civile), désormais en plus SOLLICITES intense pour fonder une famille ? Ya Bayé…

Lui-même, l’Homme Libanais, n’ayant nul désir, pour une majorité d’entre eux, de se laisser happer par les emmerdes, laissera tomber toute prétendante sérieuse/romantique pour se contenter a minima de sexe, de ce point vue, plus soft, plus doux ?

Un coup de pénurie, voilà tout simplement, qui nous pousse, nous, femmes, à nous découvrir les épaules, les seins, le cul…

Et moi à m’enfermer, incapable, que je suis à survivre au regard des hommes libanais.

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