jeudi 24 avril 2008

Cunni velu ? mafih 1ere partie

On skypait tranquille avec F. Lui au Caire ; moi à Beyrouth. Il revenait d’un reportage sur une léproserie du Caire (sic); moi d’un RDV avec un banquier d’affaires libanais… Alors, c’est peut-être pour ça qu’on a vrillé. Entre nos lépreux respectifs, un besoin de respirer fissa fissa, de se désosser les neurones en profondeur.

- Ton blog ce n’est pas mèche-mèche que tu aurais dû l’appeler. Mais : « Mish lèche-lèche. »

Moi, bien sûr, toute à mes premiers cours d’arabe, je réJustifierponds dare-dare :

- Chou ayda ? Ou pour être plus fidèle au Masri (Egyptien) de mon copain : Chou ada ? Bref, en bon Français, ça donne : « C’est quoi ça ? »

Lèche ? signifiant l’interrogation (au moins en Palestinien, Je sais plus en Egyptien) : alors quelque chose comme : « Pas de pourquoi-pourquoi ! »
Ça pouvait coller. Mon refus de la grande politique, des aléas explicatifs d’une « situation », d’un « conflit », selon la terminologie journaliste consacrée (associés aux sacro-saints «Comment en est-on arrivé là ? » et de son corollaire« Comment sortir de la crise ?»), ce tout stérile renvoyé aux nébuleuses donc en un « mish lèche leche ! » hautain tout autant que vengeur ? Cela me plaisait bien. Mais point du tout.

- Ben oui, justement, m’écrit-il sur le Skype Messenger, à parler d’abricot, le problème immense, l’incommensurable tabou (il parle merveilleusement le Français, F.), c’est bien que personne ne te le lèche, ton foutue mèche-mèche.

J’ai eu, je dois dire, un instant d’hésitation. Parlait-il du mien ? N’était-il pas en train de me signifier que, faute justement d’un micheton à me courir intense, je me pignolais chouya les neurones sur les histoires des autres ?

Mais non. Le propos, plus essentiel, demandait juste à être développé.

- C’est total délirant, m’écrit-il donc. Pas un putain de mecs qui veut plonger le nez dedans ici. Une question de poils, je crois. Mais même sans poils, ces putains d’Arabes, ils hésitent. Le tabou à l’état pur. Alors, du coup, y’a pas une Egyptienne qui veut te sucer. Une guerre de tranchées, tu vois ? Comme on n’arrive pas, de toutes les façons, à baiser dans ce putain de pays à la con, autant te dire que c’est totale ceinture.

Naturlich, je lui colle un smiley illico. Celui qui veut dire « mort de rire grave. » J’en ajoute même un, pour bien lui faire comprendre que là, ma montée jubilatoire, je suis en train de me la choper grave en fusionnel. J’en choisis un gentil mais efficace, le « Roll on the floor », une espèce de poux jaunâtre qui dodeline en 3D (y’a pas de « smiley cul » dans le listing disponible, ni d’ailleurs de « smiley César ». Ça manque terriblement, un genre de truc, à l’image de mon Don Juan, un peu épais, uggly/sexy, grimpatouillant dans le vide de la Toile immense en une multitude d’aller-retour vertigineux…)

F. me dit que, lui, ça fait un an qu’il n’a pas tiré sa crampe, « Queud vraiment » à part des petits bécots. Des fiançailles rompues, il y a un an. La famille de la jeune femme – tendance nouveaux riches qui grandirent sous l’influence de Moubarak et de ces nouveaux copains, les Amrikimlis - ne voulait pas de ce nécessiteux, pourtant fils d’un grand écrivain égyptien. La richesse intellectuelle ne pesant, il faut croire, plus grand chose au regard de la puissance du flouzze. F. vivant quand même à Choubra, dans ce qu’en Français et, avec une certaine élégance précieuse, on nomme un « quartier informel. » Bref un bidonville. Enfin moi, en même temps, j’aime bien Choubra. J’y trouve comme la forme inconsciente d’une ville, le fantôme d’une médina, mais ravagée, pulvérisée par l’urgence des hommes à survivre.

Pendant que F. insultait la terre entière sur Skype, se défoulant de ce mektoub de merde qui l’avait fait naître Egyptien (en même temps que très fier, conscient de porter une culture s’effilochant, à son sens), voilà que ça me revient mon épisode poils à moi. Mon expérience velue. Et je me dis, que oui, mais oui pourquoi diantre n’avais-je pas fait le rapport ?

J’entends déjà les écoeurements de quelque uns de mes camarades, de ceux-là pour qui, déjà, en soirée beuveries, imaginer la faisabilité d’un cunni, relève d’un impossible expiatoire. Plutôt les charniers au Rwanda. Mais alors là d’un cunni à poils ? Mish monkem, la, la, la.

Moi, cependant je n’imaginais rien – du moins pas cette problématique-là, guère encore cette anthropologie du rapport au corps au Machrek - quand, il y a deux ou trois ans, A. me téléphona pour boire un verre chez lui à Naplouse (au Moyen-Orient, en généralisant, accepter une telle invitation au soir, revient à accepter le « coucouche panier » ultérieur), ben, voilà, j’avoue, j’ai dit oui.

A., c’était pas vraiment César. Un rien minuscule, de ce genre homme à talonnettes (il me rappelait le proxo de ma tante, c’est peut-être pour ça que finalement j’y suis allée), mais d’une intelligence vivre. Au moins, ai-je pensé, la soirée promet.

Elle a promis.

Car une fois qu’on en a eu fini avec la situation politique de la Palestine, de la guerre Hamas/Fatah (« les mêmes avec une barbe »); d’un commentaire savant sur les sources du sionisme, et du livre d’Abraham Burg (« Defaiting Hitler ») sur la société israélienne, on s’est quand même retrouvé à poils dans sa piaule ultra-froide (y’avait plus de gaz à Naplouse, les Israéliens ayant bloqué le ravitaillement) à méchamment se peler nos teezes (« fesses ») dénudées tandis que le boum-pouffe des obus israéliens approchant nous servaient de fonds musical.

L’homme cependant à «la vive intelligence mais aux talonnettes compensatrices » se montra, nu, sous le déguisement du roi singe.

Y’en avait partout, dans le dos descendant, sur le torse montant. Partout, sauf…. À l’entre-jambe.La chose rasée, épilée, que sais-je, "lasérisée", mais d’un blanc laiteux, luminescent dans la nuit ravagée de Naplouse.

Dans ces cas-là, en général, c’est, comme avec les ordinateurs, y’a une option back up : courir à la salle de bain, dire, « Oh mon dieu, j’ai trop bu d’Arak (whisky/bière/vin, selon la région du monde). J’ai la tête qui tourne. Je vais peut-être rentrer. »
Sauf qu’on n’avait pas bu d’alccol (la vente d’alcool est interdite à Naplouse par les gangs des brigades Al-Aqsa) et que, par ailleurs, en pleine incursion israélienne sur la ville, sortir signifiait tout de même des problématiques plus existentielles.

Alors entre les poils palestiniens et les chars israéliens… Oui… J’avoue… J’ai choisi.

L’histoire, en soi, pourrait prêter à un sourire doucereux et presque conciliant sur cette pauvre Nanou en goguette, s’il n’y avait une suite. Car, au cours de la joute, voyant A. négligemment évité ma propre zone sismique, je lui quémandais une descente aux enfers.

Sa réponse ? Elle vaut, je crois, sa tonne de cacahuètes et je vous le donne, sans l’ombre d’un ajout ni commentaire :

« Non, vraiment. Je ne suis pas prêt psychologiquement. Jamais tu t’épiles ?»











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