César existe-t-il vraiment ?
La vérité ? Parfois, même moi, je me demande s’il a une autre existence que celle que je lui prête dans mes nocturnes ébouriffants.
Depuis des années, j’avance avec ce corps dont je ne sais que faire, ce corps qui a renoncé. Des années donc que je n’ai plus d’élans (l’homme-singe certes mais hygiénique, cf. posts précèdents) Mes pulsations de vie énuclées, perdues, je continue d’avancer cependant mais avec ce sentiment d’avoir été vaincue. Je connais bien trop la route désormais pour me laisser surprendre. Je connais trop bien les hommes, leur désir d’ouvrir le corps des femmes, d’en cisailler le don, pour me laisser prendre à ce rodéo ridicule.
Alors oui, je me demande comment César, ce micheton, juste si divinement uggly/sexy, est capable de me faire monter au plafond sans même me toucher. Et pourquoi lui grand dieu ? Ya Allah !! Oui, je me maudis.
Ça m’est tombé dessus dès que je l’ai vu. Direct, sans mesure ni graduation aucune (L’abstinence?) le corps pulsant en hauteurs vertigineuses, alors qu’il me demandait comment j’aimais mon café. « Avec amour » lui ai-je répondu, complètement hors propos. Il s’était tourné vers moi, un « ça serait pas plutôt sahadaaaaa ?» avec cette voix grave, l’accent traînant en final des gens de Beyrouth, qui a aussitôt bloqué ma respiration. César, il a un côté toujours pratique. Moi, un côté lunaire.
Là, récemment, il s’est rasé la tête, léger pas encore la boule à zéro (il est sublime l’été venu) et s’est laissé pousser un bouc qu’il caresse avec une régularité, selon moi, suffocante.
- J’ai des cheveux blancs. Quand je drague des minettes, ça leur plaît mieux le côté rasé. C’est plus tendance, plus jeune.
À n’importe quelle nana, dûment cérébralisée, la sentence Auguste ferait bondir une bonne dose de fiel, un genre de « Ben, vas te les niquer tes grognasses et fous moi la paix, connard ». Mais non, je suis toute douce avec lui, chose rare, un sourire niais aux lèvres et j’en profite pour lui mater les fesses tandis qu’il se ressert une Vodka Red Bull, sa boisson préférée.
Parce que voilà sa bouteille de Vodka est maintenant dans le placard du salon de mon nouvel appartement. Vous pensez illico : « Ouawou, net progrès, la chose avance. »
Que nenni : il est juste passé voir l’appart' avant de rentrer chez lui se coucher. Il l’a bien aimé d’ailleurs, l’appart et aussi le canapé. Moi, cependant, accrochée au rideau, façon chauve-souris (j’ose la comparaison car, vivant désormais dans Harat el-Ouatouat, « le quartier de la chauve souris », près du jardin de Sanayeh, je puis au moins me prévaloir de leur grâce sublime) mais toujours aussi souriante et douce.
- Garde-la Nanou, la bouteille, pour quand je repasserai. C’est sympa chez toi. C’est calme.
Un peu auparavant, il m’avait aussi dit :
- T’es brave, Nanou
« Brave ? » Ce n’est pas comme à Paris certes, pas un synonyme à peine édulcoré pour «golemon intégrale ». Même si je ne peux pas m’empêcher de me dire qu’on en n’est pas loin, dans mon cas. À Beyrouth, le terme signifie plutôt un « t’es sympa. » (By the way, une paille pour boire son Coca, on appelle ça un chalumeau en Franco-libanais)
J’ai des visions pince à épiler torturante, quand il le prononce le fatal « brave », (il le dit souvent). Je me verrais bien l’attacher à la chaise et lui arracher les poils du torse un à un (Il en a Danielle, vérifications faites) pour lui faire sentir mes possibilités sauvages également.
En début de semaine, et dans un SMS sibyllin, il m’avait bien proposé d’aller boire un verre, mais c’était plutôt pour son pote Léon, en rade de mousmés, qu’il en avait eu l’idée : une de mes copines italiennes de passage à Beyrouth lui semblait convenir. Comme mon Italienne ne pouvait pas, il avait juste annulé d’un « de toutes les façons, je suis vanné. » (Ne me demandez pas pourquoi il n’a pas songé à moi pour Léon et, bien que la chose me soulage, je suis en même temps, juste ce qu’il faut de « piquée au vif ».)
Comme il ne pouvait en être autrement : il m’a parlé de lui, de sa vie de César, hier au soir en sirotant ses multiples Vodkas Red Bull. Ça fait trois ans, maintenant qu’il est libre. « Pas de copines précises.» Juste 3-4 en permanence, qu’il a récemment réduit à deux, avec, il est vrai, quelques extras supplémentaires, en boîtes de nuit, soirées fiesta, ou juste une occase qui passe par son bar.
Vous y croyez vous à son trip roi du Zob ?
Récemment, il s’est tortoré une Anglaise en douce. Une belle jouvencelle qui toute la nuit, et alors qu’en boîte, ils s’étaient déjà passablement testés leurs zones érectiles respectives, avait passé son temps à le seriner d’un « I’ve got a boy-friend » tandis qu’il la sautait. Il n’a pas vraiment compris le rapport. Mais avec les Anglais(es), on ne peut pas comprendre grand chose avec eux.
- Parfois, je pense que pas de sexe, c’est mieux. Parce qu’à un moment, quand t’en baise une le matin et rebelote l’autre le soir, ça finit par te faire mal au cœur.
- T’es sûr que c’est pas tout simplement au prépuce que ça tiraille ? (le Red Bull faisait son effet).
- Non, au cœur, Nanou, tu sais même plus pourquoi tu baises. En même temps, j’avais besoin de ça, je suppose. Tu vois, tout ça. Les nanas, le sexe, mon boulot. Ma vie. Et y’a quand même quelque chose qui manque. Vraiment. Je ne suis pas satisfait.
En fait, le César, il a toujours eu des histoires, genre une bonne moyenne, deux-trois ans que ça le tenait. Sauf quand il a renvoyé la dernière poule longue durée, là il a eu envie de s’essayer à peu près à tout.
Il me parle de la Thaïlande où il s’est fait quinze jours de vacances pornos à deux ou trois Thaï en trinôme par soirée. « C’est dingue, là-bas tellement c’est accessible le sexe. » « Tu les chopes en boîte, juste tu les invites, pas de question de fric entre elle et toi, même si je leur en ai donné quand même à la fin. Mais ce n’était pas demandé. » « Au Liban, des touzes, des deux filles/un mec, tu peux en parler avec les filles, mais dès qu’il s’agit de concret…Y’a plus personne. »
- Je fantasme en permanence dans ma tête.
Les Thaïs, ça lui rappelle soudain qu’il a mal au dos et qu’il irait bien se faire masser.
N’importe qui, je suppose, verrait l’ouverture. Le « Je peux t’en faire un si tu veux. Je suis assez experte dans mon genre », qui me permettrait, au moins, de casser les délires phantasmants, pour me confronter à la réalité de son si délicieux Tafounah (du Tunisien, pur jus, un retour aux origines quand il s’agit de ses « fesses »). Mais, je dois être foutrement orgueilleuse, parce que passée après l’épisode Thaï, et ses régulières, ça ne me disait trop rien soudain. J’ai beau être à l’image de la chauve-souris, d’un ridicule de taupe (mais sublime quand je vole dans la nuit), je vais tout de même pas lâcher mon orgueilleuse fierté en rase campagne pour un cramé du zob.
Cela n’effaçait cependant en rien le tremblotement sismique, qui m’avait saisie dès qu’il s’est assis à environ deux nœuds marins de mes mains.
- Y’a une Russe à Achrafiyeh qui masse. Je vais peut-être y aller.
Avec les Russes, forcément tu penses sexe, prostitution. Mais il me dit que celle-là c’est une pro (des massages) elle ne fait pas de descente d’organe a posteriori.
- Une fois, je suis allé à Hamra me faire masser. Au bout de cinq minutes, la nana me demande si c’est vraiment un massage que je veux. J’étais pas contre une turlutte en final. Mais ça m’a coincé qu’elle me le demande aussi sec. Je me suis cassé.
Aussi César, il pose des questions sur Israël, sur le Hamas. Et, à mes réponses, ajoute :
- Je ne suis pas borné. Israël… Tel-Aviv, ça doit être sympa. En même temps, il nous ont bombardé… Je ne pourrais pas. Tu sais qu’ils ont évité les quartiers chrétiens ? Mais cela ne change rien : c’est le Liban qu’ils ont pilonné. L’Hezbollah, ce sont eux les vrais résistants ici. Même si je ne veux pas vivre dans la société dont ils rêvent.
Quand on parle à quelqu’un ici, on peut parfois craindre le pire. Je veux dire pas solo : « Et si on forniquait ce soir ? » qui peut t’advenir à peu près dans tous les coins de la planète. Mais en termes de vie, d’opinions politiques, d’affects sensibles. Ne serait-ce que dans un café, tant d’opinions contradictoires, d’origine (religions, politiques, régions, douleurs…) multiples et pour moi obscures, qu’il faut parfois toute ma paranoïa palestinienne, pour passer entre les tables et survivre. D’autant que l’esprit occidental, qui aime à cataloguer, va chercher ses petites cases à remplir. Un chrétien, qui plus est de la pire espèce, maronite ? Un fou de Dieu épris du sang de ses adversaires. Un chiite ? Oh, la, la les flagellations hezbollatiques qu’il doit se tasser au moment de la commémoration de la mort de Hussein. Un vrai régal.
Je n’y échappe pas.
Ce que je tente là de dire, avec moults circonvolutions (mon côté oriental, tunisien, ne jamais aller directement au nœud coulant) c’est que, même face à César, même assise dans mon canapé, je ne pouvais savoir si évoquer Israël (et les Palestiniens), c’était, par exemple, le blesser (partageant alors peut-être la ligne du général Aoun), le mettre en colère (merde, merde, et si plutôt tendance phalangiste ?) ou me griller définitivement dans tout Achrafiyeh.
A minima, j’ai aimé qu’il se pense Libanais (moi ayant souvent du mal à me sentir française, mais c’est une autre histoire). Qu’il avance « Achrafiyeh la banlieue, tu crois que c’est différent ? »
Une fois, lors d’une de mes précédentes pérégrinations, discutant des réfugiés Palestiniens (revenant de Nahr el-Bared, le camp dévasté de Tripoli), avec un grand monsieur, éditorialiste de son état, d’un quotidien libanais francophone, lui-même peut-être dans la nostalgie d’un ancien monde : « A l’évidence, le » vivre ensemble » impossible, les communautés doivent se constituer en Etats indépendants quitte à vivre dans une structure confédérée. » Sachant pertinemment – et cela me faisait froid dans le dos – aussi, lui ce grand monsieur, amateur de golfe et de gros cigares, ce que cela signifiait en termes de sang à verser pour faire advenir son idée.
A l’image de l’Irak, où les Américains, faute de rien contrôler (ou, au contraire contrôlant tout si j’écoute ma paranoïa palestinienne), ont choisi l’option ‘guerre civile’ pour mettre un peu d’ordre dans ce merdier arabe (la doctrine de « Tuez les tous, surtout les musulmans, et Dieu reconnaîtra les siens » des Evangélistes). L’idée d’une confédération libanaise où chaque communauté repliée pourrait alors se créer un univers à sa mesure n’est pas chose nouvelle. En grande mode, du temps déjà de la guerre civile libanaise où, malgré le sang des shahids ou des mardours (des hommes tués dans le dos, par leurs propres frères), nul n’est parvenu à la mettre en œuvre.
Alors, oui dans l’au-delà de mes désirs incontrôlables, walla, en plus, le sieur César (ma mère l’appelle Oscar quand elle m’en demande de ses nouvelles) me devenait précieux.
Quand il est parti, moi le raccompagnant jusqu’à la porte de l’immeuble fermée et le soldat (un vrai celui-là en treillis, de l’armée libanaise, pas comme les gangs pro Hariri qui végètent aux alentours du quartier – chiite/arménien – où je vis désormais), le matant en douce, il m’a attrapé la joue, me l’a pincée avec un très très beau sourire. Il était heureux de ne pas s’être retrouvé en slip dans ma piaule. Enfin, je crois. Cela lui avait fait du bien, juste ces 3-4 vodkas sur mon canapé. Ma chique douloureuse ? Un geste de tendresse, une sorte de caresse, en même temps que de remerciements. Ou d’un désir, si rapidement esquissé, dont la renonciation lui plaisait ? Ou alors rien ? J’ai peut-être encore rien compris du pays et des hommes : mon côté watawette (« chauves-souris » au pluriel) sans doute.
La vérité ? Parfois, même moi, je me demande s’il a une autre existence que celle que je lui prête dans mes nocturnes ébouriffants.
Depuis des années, j’avance avec ce corps dont je ne sais que faire, ce corps qui a renoncé. Des années donc que je n’ai plus d’élans (l’homme-singe certes mais hygiénique, cf. posts précèdents) Mes pulsations de vie énuclées, perdues, je continue d’avancer cependant mais avec ce sentiment d’avoir été vaincue. Je connais bien trop la route désormais pour me laisser surprendre. Je connais trop bien les hommes, leur désir d’ouvrir le corps des femmes, d’en cisailler le don, pour me laisser prendre à ce rodéo ridicule.
Alors oui, je me demande comment César, ce micheton, juste si divinement uggly/sexy, est capable de me faire monter au plafond sans même me toucher. Et pourquoi lui grand dieu ? Ya Allah !! Oui, je me maudis.
Ça m’est tombé dessus dès que je l’ai vu. Direct, sans mesure ni graduation aucune (L’abstinence?) le corps pulsant en hauteurs vertigineuses, alors qu’il me demandait comment j’aimais mon café. « Avec amour » lui ai-je répondu, complètement hors propos. Il s’était tourné vers moi, un « ça serait pas plutôt sahadaaaaa ?» avec cette voix grave, l’accent traînant en final des gens de Beyrouth, qui a aussitôt bloqué ma respiration. César, il a un côté toujours pratique. Moi, un côté lunaire.
Là, récemment, il s’est rasé la tête, léger pas encore la boule à zéro (il est sublime l’été venu) et s’est laissé pousser un bouc qu’il caresse avec une régularité, selon moi, suffocante.
- J’ai des cheveux blancs. Quand je drague des minettes, ça leur plaît mieux le côté rasé. C’est plus tendance, plus jeune.
À n’importe quelle nana, dûment cérébralisée, la sentence Auguste ferait bondir une bonne dose de fiel, un genre de « Ben, vas te les niquer tes grognasses et fous moi la paix, connard ». Mais non, je suis toute douce avec lui, chose rare, un sourire niais aux lèvres et j’en profite pour lui mater les fesses tandis qu’il se ressert une Vodka Red Bull, sa boisson préférée.
Parce que voilà sa bouteille de Vodka est maintenant dans le placard du salon de mon nouvel appartement. Vous pensez illico : « Ouawou, net progrès, la chose avance. »
Que nenni : il est juste passé voir l’appart' avant de rentrer chez lui se coucher. Il l’a bien aimé d’ailleurs, l’appart et aussi le canapé. Moi, cependant, accrochée au rideau, façon chauve-souris (j’ose la comparaison car, vivant désormais dans Harat el-Ouatouat, « le quartier de la chauve souris », près du jardin de Sanayeh, je puis au moins me prévaloir de leur grâce sublime) mais toujours aussi souriante et douce.
- Garde-la Nanou, la bouteille, pour quand je repasserai. C’est sympa chez toi. C’est calme.
Un peu auparavant, il m’avait aussi dit :
- T’es brave, Nanou
« Brave ? » Ce n’est pas comme à Paris certes, pas un synonyme à peine édulcoré pour «golemon intégrale ». Même si je ne peux pas m’empêcher de me dire qu’on en n’est pas loin, dans mon cas. À Beyrouth, le terme signifie plutôt un « t’es sympa. » (By the way, une paille pour boire son Coca, on appelle ça un chalumeau en Franco-libanais)
J’ai des visions pince à épiler torturante, quand il le prononce le fatal « brave », (il le dit souvent). Je me verrais bien l’attacher à la chaise et lui arracher les poils du torse un à un (Il en a Danielle, vérifications faites) pour lui faire sentir mes possibilités sauvages également.
En début de semaine, et dans un SMS sibyllin, il m’avait bien proposé d’aller boire un verre, mais c’était plutôt pour son pote Léon, en rade de mousmés, qu’il en avait eu l’idée : une de mes copines italiennes de passage à Beyrouth lui semblait convenir. Comme mon Italienne ne pouvait pas, il avait juste annulé d’un « de toutes les façons, je suis vanné. » (Ne me demandez pas pourquoi il n’a pas songé à moi pour Léon et, bien que la chose me soulage, je suis en même temps, juste ce qu’il faut de « piquée au vif ».)
Comme il ne pouvait en être autrement : il m’a parlé de lui, de sa vie de César, hier au soir en sirotant ses multiples Vodkas Red Bull. Ça fait trois ans, maintenant qu’il est libre. « Pas de copines précises.» Juste 3-4 en permanence, qu’il a récemment réduit à deux, avec, il est vrai, quelques extras supplémentaires, en boîtes de nuit, soirées fiesta, ou juste une occase qui passe par son bar.
Vous y croyez vous à son trip roi du Zob ?
Récemment, il s’est tortoré une Anglaise en douce. Une belle jouvencelle qui toute la nuit, et alors qu’en boîte, ils s’étaient déjà passablement testés leurs zones érectiles respectives, avait passé son temps à le seriner d’un « I’ve got a boy-friend » tandis qu’il la sautait. Il n’a pas vraiment compris le rapport. Mais avec les Anglais(es), on ne peut pas comprendre grand chose avec eux.
- Parfois, je pense que pas de sexe, c’est mieux. Parce qu’à un moment, quand t’en baise une le matin et rebelote l’autre le soir, ça finit par te faire mal au cœur.
- T’es sûr que c’est pas tout simplement au prépuce que ça tiraille ? (le Red Bull faisait son effet).
- Non, au cœur, Nanou, tu sais même plus pourquoi tu baises. En même temps, j’avais besoin de ça, je suppose. Tu vois, tout ça. Les nanas, le sexe, mon boulot. Ma vie. Et y’a quand même quelque chose qui manque. Vraiment. Je ne suis pas satisfait.
En fait, le César, il a toujours eu des histoires, genre une bonne moyenne, deux-trois ans que ça le tenait. Sauf quand il a renvoyé la dernière poule longue durée, là il a eu envie de s’essayer à peu près à tout.
Il me parle de la Thaïlande où il s’est fait quinze jours de vacances pornos à deux ou trois Thaï en trinôme par soirée. « C’est dingue, là-bas tellement c’est accessible le sexe. » « Tu les chopes en boîte, juste tu les invites, pas de question de fric entre elle et toi, même si je leur en ai donné quand même à la fin. Mais ce n’était pas demandé. » « Au Liban, des touzes, des deux filles/un mec, tu peux en parler avec les filles, mais dès qu’il s’agit de concret…Y’a plus personne. »
- Je fantasme en permanence dans ma tête.
Les Thaïs, ça lui rappelle soudain qu’il a mal au dos et qu’il irait bien se faire masser.
N’importe qui, je suppose, verrait l’ouverture. Le « Je peux t’en faire un si tu veux. Je suis assez experte dans mon genre », qui me permettrait, au moins, de casser les délires phantasmants, pour me confronter à la réalité de son si délicieux Tafounah (du Tunisien, pur jus, un retour aux origines quand il s’agit de ses « fesses »). Mais, je dois être foutrement orgueilleuse, parce que passée après l’épisode Thaï, et ses régulières, ça ne me disait trop rien soudain. J’ai beau être à l’image de la chauve-souris, d’un ridicule de taupe (mais sublime quand je vole dans la nuit), je vais tout de même pas lâcher mon orgueilleuse fierté en rase campagne pour un cramé du zob.
Cela n’effaçait cependant en rien le tremblotement sismique, qui m’avait saisie dès qu’il s’est assis à environ deux nœuds marins de mes mains.
- Y’a une Russe à Achrafiyeh qui masse. Je vais peut-être y aller.
Avec les Russes, forcément tu penses sexe, prostitution. Mais il me dit que celle-là c’est une pro (des massages) elle ne fait pas de descente d’organe a posteriori.
- Une fois, je suis allé à Hamra me faire masser. Au bout de cinq minutes, la nana me demande si c’est vraiment un massage que je veux. J’étais pas contre une turlutte en final. Mais ça m’a coincé qu’elle me le demande aussi sec. Je me suis cassé.
Aussi César, il pose des questions sur Israël, sur le Hamas. Et, à mes réponses, ajoute :
- Je ne suis pas borné. Israël… Tel-Aviv, ça doit être sympa. En même temps, il nous ont bombardé… Je ne pourrais pas. Tu sais qu’ils ont évité les quartiers chrétiens ? Mais cela ne change rien : c’est le Liban qu’ils ont pilonné. L’Hezbollah, ce sont eux les vrais résistants ici. Même si je ne veux pas vivre dans la société dont ils rêvent.
Quand on parle à quelqu’un ici, on peut parfois craindre le pire. Je veux dire pas solo : « Et si on forniquait ce soir ? » qui peut t’advenir à peu près dans tous les coins de la planète. Mais en termes de vie, d’opinions politiques, d’affects sensibles. Ne serait-ce que dans un café, tant d’opinions contradictoires, d’origine (religions, politiques, régions, douleurs…) multiples et pour moi obscures, qu’il faut parfois toute ma paranoïa palestinienne, pour passer entre les tables et survivre. D’autant que l’esprit occidental, qui aime à cataloguer, va chercher ses petites cases à remplir. Un chrétien, qui plus est de la pire espèce, maronite ? Un fou de Dieu épris du sang de ses adversaires. Un chiite ? Oh, la, la les flagellations hezbollatiques qu’il doit se tasser au moment de la commémoration de la mort de Hussein. Un vrai régal.
Je n’y échappe pas.
Ce que je tente là de dire, avec moults circonvolutions (mon côté oriental, tunisien, ne jamais aller directement au nœud coulant) c’est que, même face à César, même assise dans mon canapé, je ne pouvais savoir si évoquer Israël (et les Palestiniens), c’était, par exemple, le blesser (partageant alors peut-être la ligne du général Aoun), le mettre en colère (merde, merde, et si plutôt tendance phalangiste ?) ou me griller définitivement dans tout Achrafiyeh.
A minima, j’ai aimé qu’il se pense Libanais (moi ayant souvent du mal à me sentir française, mais c’est une autre histoire). Qu’il avance « Achrafiyeh la banlieue, tu crois que c’est différent ? »
Une fois, lors d’une de mes précédentes pérégrinations, discutant des réfugiés Palestiniens (revenant de Nahr el-Bared, le camp dévasté de Tripoli), avec un grand monsieur, éditorialiste de son état, d’un quotidien libanais francophone, lui-même peut-être dans la nostalgie d’un ancien monde : « A l’évidence, le » vivre ensemble » impossible, les communautés doivent se constituer en Etats indépendants quitte à vivre dans une structure confédérée. » Sachant pertinemment – et cela me faisait froid dans le dos – aussi, lui ce grand monsieur, amateur de golfe et de gros cigares, ce que cela signifiait en termes de sang à verser pour faire advenir son idée.
A l’image de l’Irak, où les Américains, faute de rien contrôler (ou, au contraire contrôlant tout si j’écoute ma paranoïa palestinienne), ont choisi l’option ‘guerre civile’ pour mettre un peu d’ordre dans ce merdier arabe (la doctrine de « Tuez les tous, surtout les musulmans, et Dieu reconnaîtra les siens » des Evangélistes). L’idée d’une confédération libanaise où chaque communauté repliée pourrait alors se créer un univers à sa mesure n’est pas chose nouvelle. En grande mode, du temps déjà de la guerre civile libanaise où, malgré le sang des shahids ou des mardours (des hommes tués dans le dos, par leurs propres frères), nul n’est parvenu à la mettre en œuvre.
Alors, oui dans l’au-delà de mes désirs incontrôlables, walla, en plus, le sieur César (ma mère l’appelle Oscar quand elle m’en demande de ses nouvelles) me devenait précieux.
Quand il est parti, moi le raccompagnant jusqu’à la porte de l’immeuble fermée et le soldat (un vrai celui-là en treillis, de l’armée libanaise, pas comme les gangs pro Hariri qui végètent aux alentours du quartier – chiite/arménien – où je vis désormais), le matant en douce, il m’a attrapé la joue, me l’a pincée avec un très très beau sourire. Il était heureux de ne pas s’être retrouvé en slip dans ma piaule. Enfin, je crois. Cela lui avait fait du bien, juste ces 3-4 vodkas sur mon canapé. Ma chique douloureuse ? Un geste de tendresse, une sorte de caresse, en même temps que de remerciements. Ou d’un désir, si rapidement esquissé, dont la renonciation lui plaisait ? Ou alors rien ? J’ai peut-être encore rien compris du pays et des hommes : mon côté watawette (« chauves-souris » au pluriel) sans doute.
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